jeudi 19 mai 2011

ROME- Danger Mouse & Daniele Luppi


"Rome n'a pas dû se faire en un jour"


Danger Mouse est un génie.

Je n'aurai normalement pas à argumenter, mais je vais le faire quand même. En moins de 7 ans, il a produit une quantité d'albums magiques (Blue God de Martina Topley Bird, Attack and Release des Black Keys, Demon Days de Gorillaz) , lancé des projets ambitieux (Dark Night of the Soul), démontré que ses talents s'appliquaient autant sur du Hip Hop (Ghetto Pop Life avec Gemini, The Mask and the Mouse avec MF Doom) que sur d'autres genres musicaux (je me mouille pas trop pour les catégories hein : Joker's Daughter et son album éponyme, the Rapture sur Pieces of the People we Love). Il est également fondateurs de deux groupes, Gnarls Barkley d'un côté avec le giga tube Crazy et les deux albums merveilleux que son St Elsewhere et the Odd Couple, relançant ainsi la carrière de Cee Lo Green. De l'autre côté, nous avons Broken Bells, dont j'ai déjà parlé ici, avec James Mercer des Shins. 

Danger Mouse est même un peu provocateur: le mythique Grey Album, mash-up du White Album des Beatles et du Black Album de Jay-Z lui a valu un long procès avec la maison de disques des 4 Garçons dans le vent, son Dark Night of the Soul en a subi les frais et, toujours en conflit avec la maison de disque, il avait décidé de sortir l'album sur le net, ne vendant dans la boîte qu'un CD vierge pour que les internautes puissent se le graver. Anecdote intéressante hein? Il y en a une autre, tout aussi savoureuse. Lorsque Paris Hilton a sorti son album en jenesaisplusquelleannée, Danger Mouse et l'ami Banksy ont acheté un exemplaire, ont photoshopé la pochette, agrémenté de phrases assassines sur le phénomène Paris Hilton  et gravé 500 copies d'un mix signé par le producteur. 500 copies pirates de l'album distribué dans 24 shops de l'Angleterre! 



Les quatre grands noms de Rome en photo façon Kill Bill



Vous connaissez un peu mieux le personnage. Parlons de Rome, album réalisé en collaboration avec Daniele Luppi, compositeur de musiques de films (déjà embarqué par Danger Mouse dans les arrangements de Gnarls Barkley entre autres). C'est un album qui s'inspire des musiques de films italiens, plus particulièrement des Westerns Spaghettis. Avec cet album, Danger Mouse réalise son rêve de créer la BO d'un film qui n'existe pas, mais ce n'est pas tout. Avec Rome, avec la beauté des arrangements, la perfection musicale atteinte, les featurings angéliques de Jack White et Norah Jones (3 chansons chacun), il parvient à créer une infinité de films dans la tête des auditeurs. Il donne le pouvoir de devenir réalisateur grâce à l'imagination, l'inspiration que nous apporte un tel album, sa grandeur, sa puissance. Danger Mouse n'est pas un compositeur, il n'est pas un producteur, il n'est pas musicien, il est quelque chose de tout nouveau que l'on pourrait qualifier de "réalisateur de musique" au sens strictement cinématographique du terme. Rome est un milliard de films soigneusement emballés dans un packaging au design impeccable. 

mercredi 18 mai 2011

Les Hipsters Ont Tué le Cool

Je m'attaque à un sujet aussi grave que sans importance.
Un phénomène qui nous a frappé il y a peu alors que le terme "Hipster" existe depuis les années 40. Oui, oui, farpaitement.
Les amateurs de Jazz, les "White Negros", les vrais hipsters se trémoussaient au son du be-bop. Les vrais hipsters ont aussi parcouru les Etats Unis en faisant du stop Sur La Route. Je ne vous ferai pas un rappel chronologique de toutes les évolutions de cette sous/contre-culture principalement américaine, mais appuierais volontiers sur le mot "évolution" qui finalement décrédibilise totalement le principe même de "hipster" vu que la définition change à chaque décennie. 
En clair être hipster c'est à la base s'intéresser à quelque chose qui n'intéresse pas la majorité des gens, c'est partir à la recherche du cool en partant du principe qu'il n'est certainement pas là où la masse s'agglutine. Mise à part cet aspect prétentieux, superficiel, dans la recherche du cool, on peut aussi y voir une volonté d'être supporters d'une culture (ou de cultures au pluriel) alternatives, de donner une chance à d'autres groupes, à d'autres films, à une culture différente.
Il faut également savoir que les Hipsters ont toujours cherché des alternatives sur tous les plans, et pas seulement culturels. Ceux sont les premiers défenseurs d'une agriculture bio, d'une éducation différente, une politique différente. A tort et à travers d'ailleurs mais nous y reviendrons.
Le seul phénomène qu'il s'agit de décrypter aujourd'hui, la seule question à laquelle il faut répondre, c'est comment ce qui n'existe seulement en étant une sous-culture, l'anti mode, l'underground depuis des décennies soit devenu récemment LA mode ultime. Finalement, les hipsters sont devenus Mainstream. La faute à Twitter, aux Tumblr, au net en général qui a permis une propagation fulgurante de la culture "Cool" de l'avènement de Pitchfork en véritable phare de la musique de bon goût (la question n'est pas de dire pour ou contre Picthfork, simplement de constater son influence sur les goûts des ados/post ados actuels, sachant que de nos jours les trentenaires sont encore adolescents, imaginez un peu…), les memes qui se multiplient plus rapidement que des lapins sous viagra et polluent le web de private joke plus très private, de termes cool, hype, qui entrent rapidement dans le langage courant (je pense à "Geek" "Procrastination" "capillotracté" et…oui oui, "hipsters"). 

(Petite digression:
Sachant que les publicistes sont depuis toujours les descendants de la génération hippie, donc en quelque sorte les porte-étendards de la culture cool, ils imbibent leur travail de phénomènes geek, hype qui leur fournissent une source d'inspiration intarissable et achèvent ensuite la propagation de ces phénomènes (Des exemples? L'utilisation de personnages de Star Wars dans des publicités pour Macdonalds ou Volkswagen ou l'emploi du terme "Procrastination" à toutes les sauces dans une pub dont j'ai oublié jusqu'à la marque). Il est alors assez drôle de constater que la pub n'est plus souveraine comme avant dans les tendances, mais qu'elle n'est plus qu'un relais du web. 
Fin de la digression)

Revenons à nos hipsters. Comme dit plus haut, par la force des réseaux sociaux, de l'influence grandissante de la culture web (qui est à la fois une culture en soi et le relais d'autres cultures qui mutent en passant par le web), cette contre culture, le mouvement hipster (qui n'est même pas un mouvement à proprement parler) est devenu THE mouvement. C'est un comble. Mais ce qui est intéressant est le résultat de ce paradoxe: les hipsters deviennent la principale cible à abattre, la chasse aux sorcières est ouverte, l'épouvantail hipster est la cible de tous les memes, de toutes les blagues cool du moment, il est même utilisé de manière sarcastique et ironique à toutes les sauces sur tous les blogs. Le principal prédateur du hipster est le hipster lui-même. Voilà ce qui résulte de ce paradoxe énorme fruit des fluctuations des modes et tendances au cours des décennies, nous arrivons au point où la contre-culture devient la culture, la mode et l'anti-mode fusionnent. BADABOUM!!!!

En fait, ce phénomène est totalement inintéressant, complètement chiant, ennuyeux, inutile.
D'ailleurs tout cet article l'est. Car je ne vais pas arrêter de faire ce que j'ai toujours fait, à savoir m'enthousiasmer à chaque film de Sofia Coppola, Wes Anderson ou Michel Gondry, je ne vais pas arrêter non plus de parcourir les sites musicaux pour me tenir au courant de l'actualité de mes musiciens favoris. J'aime le rétro à certaines doses (le rétro a de l'avenir c'est bien connu…) j'aime les Wayfarer, les fruits de mon jardin, je ne trouve pas que la chorégraphie de Thom Yorke dans Lotus Flower soit particulièrement "hipsterienne", je pense que le sarcasme et l'ironie peuvent être des traits d'esprit s'ils ne sont pas systématiques… Je vais continuer mon petit chemin en construisant ma culture et ma mode là où j'ai envie de les trouver. 
WARNING!!! 
Oui, il est important de signaler qu'il y a quand même quelque chose de détestable à propos de ce phénomène hipster (plus que le danger de voir certains artistes être imbécilement classés "hipsters" et rebuter ainsi un nouveau public, les artistes susnommés notamment), qu'il faudrait alors baptiser autrement afin qu'ils ne désignent réellement que les tout nouveaux, tout pas beaux coureurs de friperies et de vieux disquaires des années 2000 (je parlerai presque des années 2010). La principale différence et elle est de taille, avec les précédentes générations hipsters, c'est le fond. Au fond, il y a pas vraiment de fond dans la génération actuelle. Il paraît que le mot "hip" vient d'une langue africaine (Sénégalais je crois?) qui signifierait "voir" et donc par extension, avoir une vision, la conscience etc… Ce qui est plutôt intéressant! Il s'agit de trouver une voie différente par la réflexion, une échappatoire par la culture, une recherche constante d'alternative qui pourtant, des décennies après, se retrouve à ne signifier plus grand chose. Les Hippies (baptisés ainsi car ils étaient en quelque sorte les bébés des premiers hipsters) avaient une vision du monde différente, les premiers hipsters aussi, toute l'histoire de la contre-culture américaine se base sur des idées et idéaux forts, argumentés et poussés. Ça ne les empêche pas, ces idéaux, de tomber à plat ou d'être basés sur des raisonnements faussés ou inachevés mais ils ont le mérite d'exister. 

Pour en savoir plus, et rétablir la balance, lisez "Révolte Consommée", une "déconstruction" plus qu'une destruction du mythe de la contre-culture mais avec des tas d'idées intéressantes parmi beaucoup de conneries, je vous laisserai faire le tri. Le bouquin est de Joseph Heath et d'Andrew Potter, aux éditions Naïve.