lundi 11 avril 2011

Critique de la critique



Depuis quelques années, la critique est partout.
Partout, partout, partout, partout.
Et même encore plus.
Avec les blogs, Twitter, Sens Critique, tout le monde y va de son petit avis, de sa petite parole d'évangile, de sa petite phrase assassine, efficace, accompagnée si possible d'un calembour très rigolo sur le nom du groupe ou de l'album (ou du film etc. etc.). Tout le monde fait ça. Je fais ça. Même ta mère fait ça, tu lui demanderas. Le problème c'est que le web en est désormais envahi, on n'a plus vraiment le temps de se faire un avis par nous-même car avant même la sortie de l'objet culturel, c'est toute la toile qui s'enflamme, se divise en 2, 3 ou 4 avis diamétralement opposés. On trouve souvent aussi un "Mouais Bof", qui s'accorde à merveille avec un "je me suis gentiment fait chier, quoi". C'est là qu'on atteint en général le degré zéro de l'argumentation. Cette posture de blasé implique en général que la personne connaît bien mieux en matière de musique par exemple, vous saisissez l'astuce? 
Sinon il y a la méthode Pitchfork, qui consiste en général à sortir un "C'était mieux avant" démontant un album par rapport aux précédents, un film en comparaison de la filmographie de son auteur, appuyant sur la hantise principale dans le milieu de l'Art (selon moi, humble lecteur, spectateur que je suis...), à savoir la déchéance. Les spéculations sur la perte d'un "feu sacré", d'un "génie" qui se serait effrité au fil des ans ou, souvent, l'argument infaillible du passage du côté obscur, le "MAINSTREAM", vont généralement bon train.
Soit le chanteur/réalisateur/ou autre (entourez la mention de votre choix) a donc perdu son talent, son génie créatif, son étincelle, soit il a vendu son âme au diable en devenant commercial, bankable, rejoignant le grand fleuve du Mainstream (littéralement "flux principal", se dit des oeuvres culturelles que suivent le plus grand nombre). Le match Underground VS Mainstream fait rage depuis trop longtemps pour que je puisse vous dire exactement quand il a commencé, ce que je sais, et ce que tout le monde peut constater, c'est qu'il perd en sens d'années en années et qu'on se vautre doucement dans l'absurde lors de certaines discussions passionnées. 
Les "problèmes" liés à cette effusion de critique sont nombreux (j'ai tout de même mis problèmes entre guillemets, faut pas exagérer non plus):
Tout d'abord, une lutte pour le bon goût qui dénature le vrai plaisir de l'art. Combien d'amoureux de la musique passent finalement leur temps à en détester? Il est plus facile et amusant de descendre que de défendre. D'incendier la moindre tentative, le moindre petit album sans prétention, le dernier film qui tente d'être un peu nouveau. Ou de jeter la pierre à tout ce qui paraît trop populaire (jeter la pierre ou ignorer tout simplement). On arrive ainsi au deuxième problème, qui concerne tout ce qui peut se trouver entre les deux flux, les deux immenses courants que son l'underground et le mainstream. Dans cet alter espace culturel, se trouvent souvent ceux qui ont eu du succès autant auprès des chercheurs de pépites underground qu'auprès de ceux qui veulent de la musique d'ambiance ou pour danser, qui veulent voir un film sans trop se prendre la tête.
Le cas Jamie Lidell est intéressant. Intéressant car il n'intéresse plus grand monde aujourd'hui. Il a commencé dans le groupe Super Collider, développant un univers slalomant entre soul et electronica, mixant parfois les deux avec brio, continuant ses expérimentations dans deux premiers albums solos, Muddin Gear et Multiply. Il était alors acclamé, suivi, écouté par la tranche underground qui surf sur Stereogum et Pitchfork entre autres sites musicaux (je fais partie de cette tranche là par bien des aspects...) et depuis qu'il a sorti Jim, un album plus accessible, plus lisse aussi mais très agréable à l'écoute, où il laisse son côté soul rétro prendre le dessus, il semblerait qu'on l'aie oublié du côté underground mais diffusé sur Virgin. En 2010, Jamie Lidell sortait Compass, son album le plus ambitieux, le plus maîtrisé, le plus juste, éclectique, mature et j'en passe. Mais un peu difficile d'accès comparé à Jim... Du coup, il est passé gentiment inaperçu, un petit 6.6 sur Pitchfork, pas de diffusion Virgin cette fois-ci, pas d'invitation Taratata, pas grand chose d'un côté comme de l'autre. Ainsi, des albums méritant, des films magiques, passent complètement au-dessus ou en dessous de nos yeux et oreilles.
Ce qui me dérange le plus, c'est que souvent les critiques sont applicables. La perte du feu sacré par exemple peut être reprochée à Burton qui depuis son Big Fish, a perdu tout de ses côtés gothique, provocateur, adolescent attardé, pour nous sortir des films pas foncièrement mauvais mais bien plus lisses qu'avant. Sauf Alice qui est plus que lisse. Plat et inintéressant au possible, il parvient même à transformer la fable anticonformiste de Carroll en une histoire à morale bourgeoise qui m'a donné la nausée plusieurs fois pour finalement me faire vomir sur le siège d'en face. 
Vous voyez, la critique est partout.
Etrangement, ce phénomène de critique omniprésente a fait éclore un autre phénomène tout aussi insupportable, que je ne sais pas du tout comment nommer. Il est ce phénomène qui fait que l'argumentation devient un signe d'obstination, de refus d'avoir tort. Ainsi, dès que l'on commence à vouloir critiquer un artiste, un film, on se ramasse souvent un "chacun ses goûts" qui tue le débat, ou l'on se fait taxer de fachos sans vraiment savoir pourquoi. Certains monuments du cinéma ou de la chanson sont devenus aussi intouchables, protégés non seulement par une horde de fans mais également par des médias toujours bienveillants à leur égard. James Cameron peut nous sortir un film sans scénario on ne lui en voudra pas. Johnny Halliday peut continuer à nous casser les couilles comme les oreilles, il ne "faut pas dire du mal de Johnny" (comme le chante Loïc Lantoine). 

D'ailleurs, avant de me faire descendre à mon tour, je vous laisse là, en suspens, à méditer un peu peut-être sur la valeur de nos avis, leur objectivité, leur indépendance face à tant de machines à critiques qui émergent à droite et à gauche (un peu derrière aussi). Surtout, je vous laisse gentiment rigoler sur le fait que j'ai plus balancer de critiques dans cet article sur la critique que dans tout le reste du blog. 

2 commentaires:

  1. heu je crois que pour JH les médias se foutent de sa gueule depuis longtemps (et je ne parle pas TF1 qui fait du SAV et SAV). Et avec le dernier encore plus et donc M par ricochet.)

    Pour moi un critique un vrai c'est celui qui est capable de dissocier ses goûts et l'intérêt d'une oeuvre ( travail, références, innovation, degrés possible de pénétration dans la masse culturel (en gros l'émergence)) et ça en france pour ce qui concerne le cinéma et la musique on doit pouvoir les compter sur "mon index".

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  2. Pour Johnny, je pense que c'est plus compliqué que ça, c'est du foutage de gueule ok mais ça n'empêche pas qu'on ne peut pas réellement attaquer le mythe Johnny, ça reste toujours des piqûres d'insectes sur un éléphant. Morandini (très mauvais exemple, je m'en excuse) a même été obligé de s'excuser et de marcher sur des oeufs quand il a critiqué le dernier show de Johnny sur TF1. Le consensus est important autour du "rocker".

    Je serai tenté d'être d'accord avec toi, le problème c'est que même sur la question de l'intérêt d'une oeuvre ça coince. Car je connais des albums qui n'ont pas nécessité de beaucoup de travail (ils ont été fait avec aisance, simplicité, rapidité), ou avec des références douteuses, ou qui n'ont rien fait de bien nouveau, et qui sont même passé inaperçu (qui le sont encore pour beaucoup de personnes) et qui pourtant sont d'excellents albums (mais ça c'est moi qui le dis). Donc je sais pas quels critères objectifs marchent réellement, parfois je me prends la tête à un point que je me demande même si l'objectivité est possible ou significative dans la critique.

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